15/08/2023
Chroniques 336-337-338
Chianti : de la populaire fiasque paillée au vin fin
Des repères historiques
On attribue à Come III de Médicis d'avoir le premier circonscrit les zones propices à produire le Chianti en 1716, preuve s'il en est de la réputation ancienne des vins de cette région.
Au 19e siècle, il se disait que la Toscane pouvait produire des vins remarquables. L'Italie n'étant pas un pays unifié, pour des raisons politiques, un savoir a manqué à l'institutionnalisation de cette réputation. Dans les années 1830, le baron Bettino Ricasoli, propriétaire du domaine de Brolio se passionnait pour la viticulture. Après avoir importé et essayé de nombreux cépages français et allemand, il concluait que trois cépages assemblés pour leurs vertus suffisaient à produire le meilleur Chianti possible. Il cite le Sangiovese, cépage rouge, pour son bouquet, le Canaiolo rouge pour contrebalancer la raideur du sangiovese (un peu comme le merlot en Médoc a longtemps adouci le cabernet sauvignon), puis la malvoisie, cépage blanc, d'une structure plus légère qui fluidifiait l'ensemble et l'aromatisait. Ricasoli ne verra pas ses recherches récompensées. Son épouse décède l'année (1848) où commence la révolution italienne. Le marquis abandonne. Le domaine sera revendu morcelé.
Une cinquantaine d'années plus tard et l'Italie presque totalement unifiée, on peut lire le témoignage de l'oenologue et viticulteur Giovanni Batista Cerletti. Cet élève de Pasteur précise que « 10 à 15 % de cabernet ou de malbec dans le Chianti destiné au vieillissement lui donnent le goût et le bouquet d'un Bordeaux ». Hugh Johnson, une histoire mondiale du vin.
Finalement, la zone de production sera précisément établie en 1916, avant de connaître une forte étendue dans les années 1920 – 1930.
1975. Presque un siècle après, la famille Antinori crée en 1975 la cuvée Tignanello, un assemblage de sangiovese et cabernet sauvignon. Par-là, elle crée le mouvement des super toscans. Depuis, il a donné naissance aux très réputés vins de Solaia, Sassicaia, Ornellaia et Masetto, fortement dosés en cépages bordelais. Il est bien difficile de croire que cette grande famille italienne ne se soit pas inspirée de ses glorieux prédécesseurs pour mener ces essais. Aujourd'hui, la réputation des super toscans telle qu'elle circule tend à faire croire que finalement la Toscane sans le secours de Bordeaux et ses cépages n'aurait pas pu briller. Or, lors de mon voyage, j'ai entendu quelque chose de plus singulier que voici. Il y aurait deux mouvements des super toscans. Celui initié à partir de 1975 par la présence du cabernet sauvignon ou du cabernet franc mêlée au sangiovese. Puis un autre plus lent à s'être construit, visant la réhabilitation de l'usage du sangiovese. Un cépage si qualitatif, qu'il pourrait être utilisé seul dans le vin final. Le travail accompli depuis 30 ans, notamment à Volpaia, et mes descriptifs de dégustation confirment que ce cru en est le plus bel exemple.
1970-1980 le tournant : tradition et cahier des charges bousculés
La belle et typique région de Toscane, incontournable pour les villes de Florence et de Sienne, produit le Chianti, vin italien internationalement connu. Un vin de soif, parfois pétillant, toujours fruité, mais souvent dilué et parfois acide. On peut compter sur la bonne humeur des Italiens pour avoir su populariser cette production, quitte à l'user jusqu'à la corde. Des vignes plantées à 2 500 pieds/hectare, des rendements importants, le Sangiovese, le Colorino pour apporter la couleur et des cépages blancs tel le Canaiolo bianco pour les arômes.
Jusqu'en 1997, il était obligatoire d'ajouter...
Des repères historiques
On attribue à Come III de Médicis d'avoir le premier circonscrit les zones propices à produire le Chianti en 1716, preuve s'il en est de la réputation ancienne des vins de cette région.
Au 19e siècle, il se disait que la Toscane pouvait produire des vins remarquables. L'Italie n'étant pas un pays unifié, pour des raisons politiques, un savoir a manqué à l'institutionnalisation de cette réputation. Dans les années 1830, le baron Bettino Ricasoli, propriétaire du domaine de Brolio se passionnait pour la viticulture. Après avoir importé et essayé de nombreux cépages français et allemand, il concluait que trois cépages assemblés pour leurs vertus suffisaient à produire le meilleur Chianti possible. Il cite le Sangiovese, cépage rouge, pour son bouquet, le Canaiolo rouge pour contrebalancer la raideur du sangiovese (un peu comme le merlot en Médoc a longtemps adouci le cabernet sauvignon), puis la malvoisie, cépage blanc, d'une structure plus légère qui fluidifiait l'ensemble et l'aromatisait. Ricasoli ne verra pas ses recherches récompensées. Son épouse décède l'année (1848) où commence la révolution italienne. Le marquis abandonne. Le domaine sera revendu morcelé.
Une cinquantaine d'années plus tard et l'Italie presque totalement unifiée, on peut lire le témoignage de l'oenologue et viticulteur Giovanni Batista Cerletti. Cet élève de Pasteur précise que « 10 à 15 % de cabernet ou de malbec dans le Chianti destiné au vieillissement lui donnent le goût et le bouquet d'un Bordeaux ». Hugh Johnson, une histoire mondiale du vin.
Finalement, la zone de production sera précisément établie en 1916, avant de connaître une forte étendue dans les années 1920 – 1930.
1975. Presque un siècle après, la famille Antinori crée en 1975 la cuvée Tignanello, un assemblage de sangiovese et cabernet sauvignon. Par-là, elle crée le mouvement des super toscans. Depuis, il a donné naissance aux très réputés vins de Solaia, Sassicaia, Ornellaia et Masetto, fortement dosés en cépages bordelais. Il est bien difficile de croire que cette grande famille italienne ne se soit pas inspirée de ses glorieux prédécesseurs pour mener ces essais. Aujourd'hui, la réputation des super toscans telle qu'elle circule tend à faire croire que finalement la Toscane sans le secours de Bordeaux et ses cépages n'aurait pas pu briller. Or, lors de mon voyage, j'ai entendu quelque chose de plus singulier que voici. Il y aurait deux mouvements des super toscans. Celui initié à partir de 1975 par la présence du cabernet sauvignon ou du cabernet franc mêlée au sangiovese. Puis un autre plus lent à s'être construit, visant la réhabilitation de l'usage du sangiovese. Un cépage si qualitatif, qu'il pourrait être utilisé seul dans le vin final. Le travail accompli depuis 30 ans, notamment à Volpaia, et mes descriptifs de dégustation confirment que ce cru en est le plus bel exemple.
1970-1980 le tournant : tradition et cahier des charges bousculés
La belle et typique région de Toscane, incontournable pour les villes de Florence et de Sienne, produit le Chianti, vin italien internationalement connu. Un vin de soif, parfois pétillant, toujours fruité, mais souvent dilué et parfois acide. On peut compter sur la bonne humeur des Italiens pour avoir su populariser cette production, quitte à l'user jusqu'à la corde. Des vignes plantées à 2 500 pieds/hectare, des rendements importants, le Sangiovese, le Colorino pour apporter la couleur et des cépages blancs tel le Canaiolo bianco pour les arômes.
Jusqu'en 1997, il était obligatoire d'ajouter...